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2002 - 2003

Mort de Mohamed Al Dura

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Mort de Mohamed Al dura, 2002-2003, Cire, 165x230x35cm. Collection Mudam Luxembourg.

La mort de Mohamed Al Dura à Netzarim

Le 30 septembre 2000, le jeune Mohamed Al Dura, 12 ans, est tué au carrefour de Netzarim dans la bande de Gaza devant l'objectif du caméraman de France 2 Talal Abou Rahmeh. Les images de sa mort font le tour du monde, accusant Israël. Si la ressemblance avec l'iconographie chrétienne a été avancée (avec le Massacre des innocents de Poussin), elle ne peut être retenue qu'à titre thématique et non sur le plan de la ressemblance formelle. Pour le téléspectateur occidental, cette séquence du martyr de Mohamed et de son père lui rappelle tout d'abord l'image d'un mur des fusillés, le Tres de Mayo peint par Goya ou l'Exécution de l'empereur Maximilien peinte par Manet et les rares mais célèbres photographies d'exécution de résistants par les nazis entre 1941 et 1944. Le mur des fusillés est un des symboles majeurs de l'iconographie révolutionnaire. Cette référence, même si elle n'est pas lucidement perçue, fait du peuple palestinien un peuple révolutionnaire en lutte pour son indépendance.

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Cette séquence évoque aussi l'enfant martyr. La symbolique de l'enfant victime cherchant un vain refuge pour fuir la fureur destructrice des adultes, est un leitmotiv de l'imagerie de la guerre. Mais l'identité des peuples en conflit donne ici à cette séquence une tonalité particulière. Car les seuls mots de Juif et d'Israël évoquent pour nous tous la Shoah et son cortège d'enfants martyrs. Cette séquence vidéo inverse les statuts de victime et de bourreau. Ici le Juif, l'ancienne victime, deviendrait à son tour bourreau.

Il est clair que les références esthétiques de cette séquence de la mort de Mohamed Al Dura soulèvent des problèmes éthiques: fasciné par cette mort « en direct» (en fait, on ne voit pas directement l'instant où la balle atteint l'enfant), le spectateur éprouve une sidération devant l'horreur et ne peut avoir de recul critique suffisant. Et celui qui, en toute bonne foi, prendra le parti du peuple palestinien martyr devant la mort de cette victime innocente, ne verra pas qu'instrumentalisées par les islamistes radicaux ces mêmes images serviront d'écran justificateur aux actions des martyrs candidats au suicide.

Images passages

Oui, les terroristes islamistes ont instrumentalisé la puissance de l'image et de l'imaginaire majoritairement fondée sur la culture chrétienne. Oui, la fascination exercée par l'image (fixe comme en mouvement) est devenue pour eux une arme de propagande. Mais surtout ils ont compris la puissance des images-frontières, à l'articulation de l'Orient et de l'Occident.

Ruiner l'image pour cela serait à la fois une grave erreur et un acte inutile. Sauf à construire un mur comme on plâtre une jambe. C'est-à-dire à accepter de s'amputer du mouvement. Au lieu de céder à une tentation de mutilation, le spectateur occidental devrait reconnaître sa culture quand il la découvre au-delà de ses frontières. Et questionner l'origine de ces images frontières, qui ne sont bien sûr pas des clôtures mais des passages, serait peut-être le meilleur moyen de priver la propagande islamiste de ses armes visuelles.

De manière sûre, faire face à ces images que l'on refoule ouvrirait à la connaissance de fragments d'un passé commun ... et peut-être, à la construction d'un avenir.


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