Archéologie de l'architecture, de l'enfance, de l'histoire, du corps, des temps
"Des images figées" par Pascal Convert
"Triptyque" reportage Métropolis - Arte
Thématiques - Cire - négatif - Photographies
Avant toute chose je pense qu'il est nécessaire que le lecteur sache d'où je parle. D'une part en tant qu'artiste plasticien j'ai travaillé depuis quatre ans à la réalisation d'une sculpture en cire s'inspirant des images de la mort de Mohamed Al Dura. Cette sculpture, accompagnée de deux autres, s'inspirant elles aussi de photos d'actualité, la Piéta du Kosovo (photo Georges Mérillon -Kosovo- 1990) et La Madone de Benthala-(Hocine Zaourar -Algérie- 1997) a été montrée récemment au Cloître des Jacobins à Toulouse.
Mon travail artistique s'accompagne toujours, on l'aura compris, d'une attention que je crois très grande pour le contexte d'apparition des images, tant sur le plan de leur production technique que sur le plan de leur utilisation politique. Je tente donc, autant qu'il se peut, de rencontrer les protaganistes des événements et de réaliser des entretiens filmés avec eux.
Artiste donc mais aussi spécialiste des images médiatiques puisque, depuis une vingtaine d'années je forme des monteurs télé en tant qu'enseignant dans un établissement public. Je n'ai donc aucune naïveté ni sur les conditions de fabrications (tournage-montage) ni sur les conditions de diffusion d'un news télé.
Je m'expliquerai ultérieurement sur ce qui m'a poussé à m'inspirer des images de la mort de Mohamed Al dura pour la réalisation d'une sculpture. Mais dès à présent je veux souligner qu'il ne s'agissait pas là d'un acte militant pro-palestinienne: ayant réalisé le documentaire "Mont Valérien aux noms des fusillés" je pense que l'on peut me tenir quitte de tout antisémitisme. Ce film a été censuré et reste interdit dans les lycées et collège sur le simple prétexte que j'y dis la vérité, à savoir que quatre vingt pourcent des fusillés du Mont Valérien (1940-44) étaient d'origine modeste, le plus souvent communistes, très souvent juifs et souvent étrangers... et parfois les trois à la fois. Que sans l'initiative de Robert Badinter leur mémoire ne serait toujours pas honoré. Qu'il faudrait s'interroger sur les raisons d'un oubli qui a duré 60 ans. Alors même que se développe en France un renouveau de l'antisémitisme il aurait peut-être été bon et juste qu'un hommage national en présence du Président de la République soit rendu à ces résistants qu'ils soient français, étrangers, juifs en tout cas républicains, morts pour la France au Mont Valérien.
Durant l'automne 2000 une succession d'images d'horreur, images mises en boucle sur nos écrans de télévision nous aurons glacées le sang: images de la mort de Mohamed Al Dura, 12 ans, tué le samedi 30 septembre 2000 au carrefour de Netzarim dans la bande de Gaza sous le regard du cameraman de France 2 Talal Abou Rahmeh; puis, comme dans l'effet miroir d'un cauchemar, quelques jours plus tard, le jeudi 12 octobre, ces images nous laissant à l'effroi, filmées par un cameraman indépendant pour le compte de la chaîne privée italienne RTI, du lynchage et de la défenestration de Yosef Avrahami, 38 ans, et de Petakh Tikva, 33 ans, deux soldats israéliens, par un groupe de Palestiniens avides de vengeance.
"L'erreur d'Israël", "L'Israël de la promesse trahie", "Israël-Palestine, la guerre qui tue les enfants", "L'enfant emblématique de la Palestine", ces titres montrent combien la presse occidentale ne retiendra que "le cri muet de Mohamed". Mohamed était devenu le symbole du martyre Palestinien et la presse occidentale avait pris fait et cause pour les Palestiniens, condamnant unanimement Israël, faisant resurgir un antijudaïsme séculaire : si les cris "morts aux juifs" qui ont jailli lors de la manifestation organisée le 7 octobre par le MRAP, association antiraciste, ont été vigoureusement dénoncés par cette association même, ils n'en ont pas moins été prononcés et le peuple Juif, déicide, satanisé, responsable du Massacre des innocents, aura une nouvelle fois été "déclaré inhumain, c'est-à-dire expulsé hors de l'humanité commune".
"15 heures : tout vient de basculer près de l'implantation de Netzarim dans la bande de Gaza. Des Palestiniens ont tiré à balle réelle, des Israéliens ripostent. Ambulanciers, journalistes et simples passants sont pris entre deux feux . Ici Djamal et son fils Mohamed sont la cible de tirs venus de la position israélienne. Mohamed a 12 ans, son père tente de le protéger. Il fait des signes mais une nouvelle rafale : Mohamed est mort et son père gravement blessé".
Cette première partie du sujet aura duré 50 secondes. Le commentaire de Charles Enderlin, correspondant permanent de France 2 à Jérusalem nous aura appris trois choses. D'une part l'origine du drame ("des Palestiniens ont tiré à balle réelle, des Israéliens ripostent"), d'autre part l'immense difficulté des cameramen saisis dans le conflit à rendre compte clairement d'une situation. Pour finir, la minute qui suivra nous permettra de comprendre que si la mort de Mohamed occupe une place importante en regard du temps des autres informations (28 secondes), elle ne constitue pas le seul élément d'information. Charles Enderlin continuera ainsi:
" (...) Un policier Palestinien et un conducteur d'ambulance ont également perdu la vie au cours de cette bataille. En Cisjordanie aussi de très violents affrontements ont fait des morts et de nombreux blessés; à l'entrée de Béthléem des centaines de jeunes Palestiniens ont attaqué la position israélienne. Les gardes-frontière les ont repoussés à l'aide de grenades lacrymogènes et de balles caoutchoutées. Des scènes identiques se sont déroulées à Hébron où plus de 80 manifestants ont été blessés. Au nord de Ramallah un mort et 60 blessés Palestiniens mais aussi des soldats touchés par les jets de pierre. Marwan Barghouti chef du Fatah pour la Cisjordanie était sur place. "Nous nous battrons pour la souveraineté sur Jérusalem, nous nous battrons contre Sharon, on était là lorsqu'il est venu visiter les mosquées, c'est notre message. Pas de paix sans Jérusalem. Jérusalem est la clef de la paix dans la région (...).
Sujet diffusé le 30 septembre 2000 sur France 2.
Journaliste: Charles Enderlin; JRI: Talal Abou Rahmeh, Alon Grego, Samikh Shahin. Son: Naor Levy. Montage: Elie Kenner
Ce sujet tente de décrire une situation chaotique faite de violences, de heurts, de morts. La question du contexte sera justement l'élément retenu par l'armée Israélienne pour développer une procédure d'enquête utilisant les images tournées pour permettre une reconstitution du drame : "une enquête globale menée durant les dernières semaines amène à douter sérieusement que le garçon ait été touché par un tir des forces armées israéliennes", affirme un rapport présenté à la presse lundi à Tel Aviv par le chef du commandement sud de l'armée, qui englobe la bande de Gaza, le général Yom Tov Samia (...). "Il est tout à fait plausible que le garçon ait été atteint par des balles palestiniennes lors de l'échange de coups de feu qui eut lieu dans cette zone", indique l'armée dans ce rapport. Le général Samia a déclaré que cette seconde enquête reposait à la fois sur une reconstitution du drame, effectuée il y a un mois, et sur un visionnage des images tournées par une équipe de la chaîne de télévision française France 2." L'enquête menée par le général Yom Tov Samia relance donc la polémique en se basant à la fois sur une "reconstitution" et sur l'analyse d'images en mouvement.
Le spectateur attentif pouvait avoir accès aux images de cette reconstitution sur le site internet de L'Union des Patrons et professionnels Juifs de France (UPJF.org. association dont une des missions est de dénoncer les manipulations médiatiques opérés par les Palestiniens) au travers d'une enquête documentaire titré "Qui a tué Mohamed Al dura". La réalisatrice Esther Shapira, journaliste allemande, et produit par la ZBF tente d'y démontrer que les tirs de Tsahal ne peuvent être à l'origine de la mort de cet enfant.
L'enquête effectuée par Esther Shapira, si elle apporte des éléments contextuels n'est pas déterminante. La reconstitution de "la mort de Mohamed Al Dura" prêterait à sourir si le sujet n'était si violent. Elle se passe dans le désert, le site initial ayant était rasé par Tsahal. Un petit muret en parpaing, environ de 2 mètres de haut sur 2,5 mètres de long, c'est à dire d'une dimension bien inférieure de celle du mur contre lequel c'étaient abrités Mohamed et son père. Un choix de matériau pour l'abri de fortune contre lequel ils s'étaient (une sorte de poubelle en béton) qui ne correspond pas au matériau initial. Pire encore une simulation des tirs avec des soldats couchés au sol alors que les tirs Israéliens venaient d'un fortin placé en léger surplomb du mur. La démonstration on l'aura compris est très peu probante.
L'autre élément de l'enquête menée par le général Yom Tov Samia s'appuie sur les rushes de plusieurs caméras présentent sur le site au moment des événements. J'ai par ailleurs tenter de montrer que des images non seulement en mouvement mais dont l'opérateur de prise de vue est lui-même en action ne peuvent servir l'acte d'accusation. La description de la fiche Bertillon illustre bien le dispositif requis pour qu'un document puisse être utile à la justice : c'est une fiche cartonnée qui "comprend des photos de face et de profil obtenues par un dispositif immuable, à distance codifiée et selon des principes fixes de telle sorte que le visage soit réduit au 1/7 avec des conditions de pose et d'éclairage constantes". Avec l'image mouvement saisie par les opérateurs sur les terrains de guerre, nous sommes loin d'un tel dispositif.
Non, un cameraman de guerre ne peut avoir une vision de surplomb, une vision panoptique de la situation. Non, les images tournées, quel que soit le nombre de caméras ayant été présentes sur le lieu de l'assassinat de Mohamed, ne peuvent servir d'élément pour l'accusation. Et c'est heureux qu'on ne substitue pas au rituel judiciaire le spectacle médiatique, et ce même si l'on peut comprendre qu'il soit nécessaire de déterminer les responsabilités de chacun. A partir de ces constations le plus simple aurait était de conclure à la mort de Mohamed Al Dura en raison de tirs d'origine indéterminée.
Je dois dire que j'ai été très étonné de voir ressurgir à la une de l'actualité le spectre d'une manipulation autour des images de la mort de Mohamed Al Dura et je pense nécessaire ici d'établir une chronologie des événements récents.
Au début du mois de novembre 2004 les Éditions ContreChamps diffusent en kiosque, sous la forme d'un DVD, le documentaire titré d'Esther Shapira "Qui a tué Mohamed Al dura" réalisé par Esther Shapira. Ce n'est qu'implicitement que ce document envisage l'idée d'une mise en scène pure et simple. Par contre cette hypothèse est soutenue explicitement par Gérard Huber dès 2003 dans son livre Contre-expertise d'une mise en scène et elle est relayée sur internet par la Mena (Metala News Agencies).
Le 9 novembre faisant suite au documentaire diffusé par Arte "Yasser Arafat, le combat de la Palestine" j'ai eu la surprise de découvrir - surprise du fait que cette programmation n'était annoncée nulle part sauf sur le site internet d'Arte- un documentaire titrée Le Carrefour, réalisé par Ilan Ziv et Elias Khoury. "Ilan Ziv, réalisateur d’origine israélienne, et Elias Khoury, l’un des plus grands écrivains du monde arabe contemporain, auteur notamment de la Porte du soleil, vaste fresque sur l’exil palestinien " prennent comme décor unique le carrefour de Netzarim, le carrefour même où Mohamed Al Dura a trouvé la mort. Leur récit semble chercher un point de vue équilibré, ce qui est tout à fait respectacle: Fahmi le Palestinien et David l’Israélien sont morts ici même en septembre 2000 au carrefour de Netzarim, dans la bande de Gaza, pendant la deuxième Intifada.
Mais nulle part dans ce film il ne sera question de la mort de Mohamed Al dura, pourtant considérée comme symbolique du déclenchement de la deuxième intifada. De plus le montage des deux auteurs utilise des images prises au moment même de l'accrochage qui aménera à la mort de cet enfant. Même si je peux comprendre le souhait des auteurs, j'ai été très étonné qu'ils ne considèrent pas comme historiquement nécessaire, en forme de prologue ou d'épilogue, de mentionner l'événement "Al Dura". Les mêmes lieux, le même mur, les mêmes routes, c'était à croire que j'avais rêvé, que Mohamed Al Dura n'avait jamais existé....de là à dire que c'était une fiction....
Ce que l'histoire des fusillés du Mont Valérien m'a apprise c'est qu'il ne sert à rien de dissimuler les morts par d'autres morts. Les morts ont un nom. Les vivants ont la responsabilité de ce nom. Ils ont la responsabilité de dire ce qu'ils savent et de ne pas dire ce qu'ils ne savent pas. Mais je ne peux douter que Ilan Ziv et Elias Khoury n'aient eu connaissance du nom de cet enfant.
Dans la nuit du 8 au 9 novembre Arafat est déclaré mort. Nulle part, à ma connaissance, alors que j'ai tout de même suivi avec une grande attention cette actualité, y compris sur les chaînes arabes, il ne sera question de Mohamed Al Dura. Ce qui était objectivement tout fait normal. Seule la programmation de la chaîne Arte ouvrira cette boîte de Pandore. Plus précisemment, si on peut comprendre qu' Arte choisisse de diffuser ce jour là un documentaire tentant de réconcilier les douleurs et d'ouvrir un avenir commun aux Israéliens et aux Palestiniens, on ne peut que critiquer que cette réconciliation ait pour prix l'oubli de certains...
Depuis le 9 novembre les événements se sont accélérés. Le jeudi 18 novembre France 2 par la voix d'Arlette Chabot décide "de déposer plusieurs plaintes contre X pour "diffamation publique" suite aux accusations de "mise en scène" de la mort de Mohamed Al Dura . Le 19 novembre sur Internet le journal Télérama se fait l'écho de "La contreverse de Netzarim" prenant fait et cause pour France. le même jour L'Union des Patrons et professionnels Juifs de France (UPJF.org), association dont une des missions est de dénoncer les manipulations médiatiques opérés par les Palestiniens, principal soutien du film d'Esther Shapira, rompt tout lien avec La Mena (Metala News Agencies), refusant de s'associer à une campagne de diffamation de France 2, ce alors qu'ils soutenaient auparavant son site "La Vérité maintenant" où était affirmé que l'enfant n'était pas mort... et les choses risquent de ne pas en rester là.
Que nous dit cette chronologie. Rien qui puisse être énoncé comme une vérité. Mais peut-être peut-on avancer avec précaution quelques hypothèses.
Premièrement il clair que la mort de Yasser Arafat est vécue comme un événement qui pourrait permettre de renouer un dialogue. Pour peu que de part et d'autre on veuille bien observer une trêve ...et mettre entre parenthèse la mort de Mohamed Al dura...et pourquoi pas celle de Baruch Lerner, jeune étudiant victime avec douze autres personnes d'un attentat suicide dans un café à Jérusalem, petit-fils de Boris Lerner, résistant FTP de la MOI, fusillé au Mont Valérien en 1943. On aura compris que je ne crois pas à cette vision de l'histoire.
Deuxièmement on comprend qu'Arlette Chabot, choisie pour succéder à Olivier Mazerolles suite à l'annonce érronée du retrait politique d'Alain Juppé (3 février 2004 par David Pujadas), ne puisse se permettre une accusation aussi grave que celle de mise en scène proférée par Gérard Huber et La Mena. Ce d'autant plus que l'actualité récente puisse faire craindre une multiplication des "mises en scène".
Le vendredi 9 juillet 2004 toute la presse française, ainsi que les plus hautes autorités de l'état ont été victimes d'une "mise en scène"."Le train de la haine" (Le Figaro), "Une histoire très française" (Libération), "Indignation après l’agression antisémite dans le RER" (Le Monde), ces titres de la presse écrite du lundi 12 juillet montrent combien sur un sujet de société particulièrement sensible la dictature du direct ne mène pas à la lumière mais à l'obscurantisme: ni Marie L. ni son bébé n'ont été attaquées par six personnes dans le RER D. Personne ne lui a déchiré ses vêtements ni coupé le cheveux, ni dessiné des croix gammées au feutre noir sur son ventre. Marie L est ce que l'on nomme une mythomane.
Déjà le 9 Janvier M. Moise Alexandre se présentant comme porte parole du Likoud en France a déposé plainte au commissariat du 18e, en déclarant avoir été l’objet de 2 appels téléphoniques anonymes à caractère raciste: « sale youpin », « tu vas crever, sale sioniste, tu vas crever ». Les investigations menées notamment auprès d’opérateurs téléphoniques, ont permis d’établir qu’en réalité, l’auteur des messages en question n’était autre que leur dénonciateur en question, M. MOISE Alexandre. Ce dernier a reconnu les faits. Dès lors on comprend qu'il soit difficile pour les journalistes de "garder la forme". Les 17% d'audience du nouveau journal de 13heures animé par Christophe Hondelatte ne sont pas un élément de consolation. Surtout quand le spectateur apprend de Mr Hondelatte lui même (interviewé sur I.Télévision) que son message ne s'adresse pas directement au spectateur du 13h mais à Cyril, condamné à 30 ans de prison, dont 20 ans incompressible pour homicide volontaire sur ses parents adoptifs et acte de barbarie...il est vrai que le jugement est en appel mais le spectateur aura du mal à "garder la forme".
L' hypersynchronisation médiatique qui permet à Mr Le Lay (TF1) de vendre "du temps disponible" est devenue un piège pour une chaîne publique comme France Télévision. Elle a pour mission de construire un nous, un nous qui ne soit pas seulement une communauté de consommateur, mais un nous singulier, un nous culturel.
La manière dont Charles Enderlin, d'origine juive faut-il le rappeler, a rendu compte du conflit Israelo-palestinien est exemplaire. Non pas comme le croit naïvement David Pujadas parce qu'il n'aurait pas fait d'erreur mais parce que Charles Enderlin dit clairement son implication, sans changer les faits et s'adresse au spectateur, un spectateur qu'il considère comme sain d'esprit, capable de recul, de jugement. Le spectateur de son côté sait d'où il parle. Sa parole singulière construit un nous spectateur à même de comprendre, de juger, de critiquer. C'est à dire une communauté, nécessairement multiple, complexe mais une communauté républicaine. C'est à dire adulte, capable de voter. Ce qui est le rôle d'une chaîne de service public. Et il ne peut être tenu responsable des propos contradictoires de Tala Abou Rahme, cadreur avec lequel il travaille fréquemment.
Car je pense sincèrement, pour avoir rencontré par deux fois Talal Abou Rahme, que si désinformation involontaire il y a eu ce dernier en est pour part à l'origine. Non pas parce qu'il détiendrait un secret comme le croit Gérard Huber mais du fait d'une mégalomanie sans borne. Talal Abou Rahme fait partie d'une des familles commercantes les plus riches de Gaza. Son origine le conduit a ouvrir plusieurs magazins de vêtements et à organiser des défilés de mode à Gaza. Survient la deuxième intifada. Les commerces baissent leurs volets. Ses pas le conduisent chez son oncle. Se retouve là toute la presse occidentale. Son oncle est l'avocat de Yasser Arafat. Dans un premier temps il sert de guide et d'interprète pour les journalistes. Cette découverte du métier de journaliste l'aménera à décider de monter une agence de presse à Gaza et à devenir cadreur. Dès ce moment là Il travaillera essentiellement pour CNN et France 2. Charles Enderlin lui apprendra le métier, les règles essentielles du journalisme y compris les régles de déontologie, tout en utilisant à juste titre l'avantage d'avoir un cameraman d'origine Palestinienne sur le terrain. J'entends déjà les critiques: oui mais l'oncle de Talal Abou Rahme est l'avocat d'Arafat! vous voyez bien que tout cela est un coup monté!
Que la filiation de Talal Abou Rahme ait pu permettre à Charles Enderlin d'obtenir des informations cela est probable, chacun sait que le métier de journaliste impose des sources fiables et proches du terrain. De là à imaginer la participation de Charles Enderlin et Talal Abou Rahme à une opération de mise en scène pro-palestinienne on est en plein rêve, ou plutôt cauchemar.
Mais essayons d'imaginer. Ainsi tout cela serait une mise en scène. Cette peur du cameraman accroupi derrière un minibus, perceptible dans les bougés de cadre, ces gens qui courrent de manière confuse, cherchant un abri, ces impacts de balles en temps réel sur le mur contre lequel se blottissent Mohamed et son père. Oui c'est possible. Si le metteur en scène s'appelle Peter Watkins, le monteur Santiago Alvarez et l'organisateur des mouvements de foule Federico Fellini....
Mohamed Al Dura est bien mort à Netzarim. Et on ne peut que regretter le devenir judiciaire d'une telle affaire.
Une des responsabilités en revient aux déclarations intempestives et contradictoires du cameraman Talal Abou Rahme, inconscient de ses responsabilités à cet instant, leur préférant la gloire éphèmère des prix, en partie victime de la starisation du métier de photo-reporter de guerre.
L'autre responsabilité en revient à des organisations de défense de "la vérité" qui au lieu de tenter de démontrer l'impossible aurait dû montrer comment la propagande islamiste a instrumentalisé sans relâche cette séquence video. De cela Charles Enderlin ne peut en être tenu pour responsable. les Islamistes ont vu la puissance de cette séquence vidéo où s'inverse les statuts de victime et de bourreau, ici le Juif, l'ancienne victime, devenant à son tour bourreau et en fait un usage ignoble. J'ai retrouvé cette image sous la forme d'une fresque murale jusque dans le triangle de la mort, le fief du GIA en Algérie.
Au lieu de céder au tout judiciaire nous ferions mieux de pratiquer, au delà des modes gouvernementales, une éducation à l'image qui nous apprenne à devenir adulte face à elles, ni cynique, ni désabusé, ni naïf, ni censeur seulement responsable. Car les images nous impliquent.
Pascal Convert, 2005.
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