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2002

Mont Valérien

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L'importance du film Mont-Valérien, aux noms des fusillés tient au fait qu'il est à la fois magnifique et sujet à discussions. Ce qui sous-entend qu'un autre point de vue peut être défendu qui n'est pas celui de l'auteur, sous réserve de ne pas refuser à celui-ci sa propre optique. C'est, à peu de choses près, ce qui ressortait, samedi, à Paris, au club de l'Étoile, de la présentation du film à la presse, suivie d'un débat animé en présence d'un certain nombre de signataires de la démarche demandant à l'éducation nationale et à la télévision publique de rendre ce document audiovisuel et le livre la Vie à en mourir accessibles à tous et de personnalités de la Résistance.

Il arrive à cette oeuvre de Pascal Convert une histoire somme toute prodigieuse. Voilà cet artiste, plasticien, auteur à ce titre du nouveau monument du Mont-Valérien, sans préjugé politique, hors de tout engagement, il tient à le préciser, petit-fils de ce Léon des Landes membre d'un réseau proche de l'Intelligence Service, qui se voit reproché par certains d'avoir fait un film trop communiste !

Votre film est partisan, lui dit Denise Vernet, de l'ADIF, la plus sévère, qui ose même un parallèle avec Vichy pour qui tous les résistants étaient des " bolchevistes ", quand ils n'étaient pas juifs ou les deux à la fois ! Excellent, ajoute un autre, rien n'est faux, mais on passe trop vite sur Honoré-d'Estienne d'Orves. Très beau, pour un troisième, mais on ne s'arrête pas sur les membres du réseau du musée de l'Homme.

On a compris, chacun aurait aimé, s'agissant d'un sujet qui comme aucun autre lui tient particulièrement à cour, que cela fut un film selon ses voux et reprenant, pour le moins, la vision de la Résistance en termes d'" équilibres " entre ses courants de pensée. " Mais, précisément, rétorque Robert Chambeiron, ancien vice-président du CNR, actuel président délégué de l'Association nationale des anciens combattants de la Résistance, ce n'est pas un film sur la Résistance, encore moins un film d'historien, ce film est formidable parce qu'il montre qui étaient les fusillés du Mont-Valérien tombés dans l'oubli et dont on ne peut nier que la plupart étaient communistes, même si l'on pouvait y faire figurer d'autres fusillés. " Ce que soutient Jacqueline Timbaud, qui n'apprécie guère que l'on fasse des comptes entre résistants mais qui se doit de rappeler qu'au Mont-Valérien, neuf cent des fusillés étaient communistes, ou comme André Kirschen, seul survivant du procès de la Maison de la chimie ( ayant seize ans, il n'avait pu être exécuté ) qui se dit " très choqué " par la contestation du film (1).

Pascal Convert n'a pas fait un documentaire sociologique sur les fusillés. Il est parti, dit-il, d'un sentiment très simple : ces noms inconnus, dont Robert Badinter a voulu qu'ils soient rendus publics sur un monument, il les a découverts lui-même avant de les faire découvrir, et il ne pouvait s'agir des figures comme celles d'Honoré-d'Estiennes d'Orves, de Gabriel Péri, de Valentin Feldman célébrés tout de même dans le tableau final du film qui leur est d'une certaine manière dédié. C'est " l'émotion " qui a d'abord " commandé " l'auteur, convaincu que c'est ainsi que l'on peut toucher beaucoup de jeunes d'aujourd'hui insensibles à l'histoire avec un grand H. C'est pourquoi il a tenu à ce que soient présents dans son film les témoins en l'occurrence communistes de cette histoire où ils se trouvèrent au premier plan du fait de leur engagement et de leur courage mais aussi ceux qui aujourd'hui en tirent des enseignements essentiels comme Robert Badinter excusé samedi ou Marie-Jo Chombart de Lauwe. Une enseignante d'un collège de la banlieue parisienne partage ce sentiment, sachant que " les élèves ont moins besoin de dates que de visages et de corps de gens comme eux qui ont résisté ".

Débat passionné et passionnant dont les responsables des grandes associations présents, comme Georges Duffau, président de l'Association pour le souvenir des fusillés du Mont-Valérien et de l'Île-de-France, Pierre Rebière, président de l'Association des familles de fusillés et massacrés de la Résistance et de leurs amis, Robert Créange, secrétaire général de la FNDIRP, ou Guy Krivopissko, conservateur du musée de la Résistance nationale, qui invitait à cette rencontre, pensent qu'il va faire partie des réflexions de tous ordres qui vont marquer le soixantième anniversaire de la Libération, en 2004, et où la Résistance doit se retrouver dans son unité et la diversité de ses expressions.

Le film de Pascal Convert est au rendez-vous. Il n'en exclut aucun autre, mais il devient plus que jamais indispensable qu'il soit largement montré. Pierre-André Boutang d'Arte, son producteur, accompagné de Nicolas Petijean de Online productions, a confirmé samedi que la chaîne Histoire l'a programmé pour le vendredi 9 janvier à 21 heures. Tous ceux qui l'attendent s'en réjouiront, sans oublier qu'une diffusion sur une chaîne publique permettraient d'élargir l'audience et le débat. Premier signe d'intérêt, le ministre de l'Éducation nationale et le président de France télévisions ont fait savoir que la demande couplant le film et le livre avait été transmise aux responsables des programmes.

Charles Silvestre - 2003

(1) Étaient également présents, parmi une cinquantaine de personnes, Anne Brossolette, Claude Poulmarch, Édith Desalleux, François Brûller-Vercors, Lise London, Nicole Dorra, André Darves-Bornoz, des représentants du ministère de la Défense.