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2015

Textes et articles

 

Mettre fin au culte de l’écrit dans l’enseignement

Pascal convert dans le Monde des Arts, paru le 19 janvier 2015


"Mettre fin au culte de l’écrit dans l’enseignement"
Pascal convert dans le Monde des Arts, paru le 19 janvier 2015

Pascal Convert, artiste français, a beaucoup travaillé à partir de photographies célèbres – la « Pietà » du Kosovo, la "Madone" de Benthala. Il a signé des films et sculptures sur la résistance, et est l’auteur du monument aux fusillés du Mont Valérien. Pour "Le Monde", il réagit aux récents attentats.

« Il est difficile de parler quand tant a déjà été dit, répété, asséné avec des certitudes qui seront contredites demain par les faits. Alors rire, oui, sûrement, quand on découvre que la première grande décision en terme d'éducation a été d'annoncer la création d'un enseignement moral et civique, dans toutes les classes, de l’école primaire à la classe de terminale et dans toutes les séries du lycée. Autant donner raison à Zemmour, Soral et Houellebecq qui font porter la responsabilité de l'échec économique de la France à sa décadence sociale et morale. Des cours de morale et civisme, il en faudrait certainement, non pas à destination des collégiens et lycéens, mais pour certaines élites, y compris politiques, quand elles piétinent les devoirs de leur mission de service public. Alors que, depuis l'attaque contre Charlie Hebdo, plus personne ne peut ignorer que l'image est au cœur de la guerre actuelle, et que c'est une arme manipulée à la quasi perfection par l'islamisme radical, la morale et le civisme seraient les remèdes permettant à la jeunesse de se prémunir contre l'endoctrinement et le fanatisme ? On rêve. Ou plutôt on pleure. Mais pas de rire. Pour atténuer le goût léger d'eau de Vichy de cette proposition, le ministère a indiqué du bout du crayon que cet enseignement “intégrera de manière transversale une éducation aux médias”. De la même manière que les services de renseignement ont échoué dans l'affaire Mohammed Merah par une concurrence entre services, le conflit qui oppose au sein même de l'éducation nationale culture visuelle et culture de l'écrit, au bénéfice systématique de cette dernière, a conduit à un échec total de l'éducation à l'image. Le culte de l'écrit et des grands écrivains, car il s'agit bien en France d'un culte, nous a aveuglés. Au point que nous avons laissé le champ libre à des experts de la propagande par l'image, qui savent que nos enfants sont addicts aux écrans et passent trois heures quotidienne devant des images. On peut se consoler en se disant qu'ils parlent mieux anglais grâce aux clips de rap. Savent-ils pour autant mieux analyser les caractéristiques iconiques de la mise en scène vidéo de martyr d'Amedy Coulibaly, qu'ils ont regardée à n'en pas douter sur Internet ? Rien n'est moins sûr. Les caricatures satiriques de Charlie Hebdo avaient le très grand mérite de les mettre au jour. Si l'heure est à la révolution, il en est une pacifique : celle de mettre fin au culte de l'écrit dans l'enseignement – culte qui participe à la reproduction des élites –, pour enfin mettre au premier plan l'étude de la culture majeure du XXe et du XXIe siècle, celle de l'image. »

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